lundi 18 février 2008

Ceci n'est qu'un manifeste

Ceci n’est qu’un manifeste

117. Il ne s’agissait donc ici que d’annoncer (voire d’initier à) le texte de référence - LE JEU DES SCIENCES AVEC HEIDEGGER ET DERRIDA. Celui-ci a été une aventure d’écriture, presque comme chez le romancier qui ne sait pas comment son histoire se déroulera, où elle le mènera, quels chemins nouveaux s’ouvriront. J’espère qu’il y aura de lecteurs pour les entendre au fil de la lecture, la passion de comprendre et la surprise. Sans doute, cela demande-t-il du temps, mais c’est pour en épargner ensuite, car le pari de ce texte c’est que, en composant les questions phénoménologiques des divers domaines entre elles, il donne accès à un palier neuf de la raison, un palier plus élevé des questions de la connaissance, entre sciences et philosophie. Quand on lit des essais, voire des thèses académiques, il est aisé de se rendre compte qu’une bonne partie du texte ne fait que créer un contexte pour ce qui est en question[1], sans avoir souvent d’autres critères qu’empiriques. Nouveau palier de raison, c’est le pari que cette com-position entre les divers domaines puisse apporter une grosse économie de ces introductions sans fin et rendre ainsi les intelligences plus libres pour avancer plus loin dans l’aventure de l’écriture. Que la phénoménologie qu’Husserl, Heidegger et Derrida ont ouverte est, au moins au niveau des sciences du 20e siècle, d’une fécondité immense, voici ma petite présomption. Ce n’en était ici que le manifeste.
118. Reprenons-en l’ouverture. Ce qui est aberrant dans le panorama pulvérisé des scien­ces actuelles, c’est que les concepts les plus généraux des diverses sciences soient sans communication entre eux, comme s’ils n’étaient pas issus d’une pen­sée philosophique qui était plutôt cohérente, comme si les sciences avaient été engendrées au hasard. Trouver une cohérence adéquate, forcément nouvelle, ne pourrait se faire de l’extérieur, ni de la philosophie ni des sciences concernant les principaux domaines de ladite réalité. Elle ne pourrait venir que de la convergence de leurs principales découvertes pendant le 20e siècle.
119. Un manifeste annonce l’ouverture d’un avenir, il rompt aussi, en partie, avec son passé. Toutefois, plus que de rup­ture, il s’agit ici d’un achèvement : celui du parcours philoso­phique qui va de Socrate, Platon et Aristote, jusqu’à la phéno­ménolo­gie husserlienne et à ses deux grands dissidents, Hei­degger et Derrida, en tenant aussi compte de la dimension philosophi­que des principales sciences accouchées pendant ce parcours. Cet achèvement ouvre un avenir, par-delà la sépa­ration, introduite par Kant, entre la philosophie et ces scien­ces, un avenir inter­disciplinaire : qu’on appelle Philosophie-avec-Sciences, aboutissement du projet de la phénoménolo­gie d’Husserl. Par d’autres voies que celles qu’il envisageait, sans rôles privilé­giés: une nouvelle phénoménologie, en somme, vraie par surcroît. Au-delà de l’échec d’Husserl, il s’agit de manifester comment, par voies souterraines, si l’on peut dire, deux œuvres principales de ce courant, celles de Heidegger et de Derrida, rendent possible aujourd’hui[2] d’unifier et d’articuler les champs des principales sciences, concernant la vie, les sociétés, le lan­gage, le psychisme et, d’une certaine manière, l’énergie et la matière. S’il se trouve que, comme je le présume, les paradig­mes de Thomas Kuhn représentent le mieux ce que le courant de la philosophie analy­tique a produit dans ce qu’on appelle philosophie des sciences, on trouvera dans le texte de référence à la fois l’achèvement du travail des plus grands penseurs du siècle qui vient de finir et l’ouverture, fé­conde et rigoureuse, de l’interdisciplinarité que l’on cherche depuis quelques décennies. En termes de Kuhn, on dirait qu’il s’agit de la ‘solution’ (partielle, cela va de soi, lacunaire, inchoative, à continuer et corriger indéfiniment) de l’immense puzzle du savoir philosophico-scientique de l’Occident. En plus des suggestions que des spécialistes pourront y trouver éventuellement concernant la dimension philosophique de leur science, et donc des obstacles épistémologiques cachés dans leurs paradigmes, on espère que tout lecteur pourra y trouver une sorte de carte d’un panorama général, d’un paysage composé de ces savoirs, une sorte de carte de navigation.

Colares, janvier de 2006


[1] Avec des avantages sans doute pour celui qui écrit, il a beaucoup appris.
[2] Qu’il s’agit bien de leur apport, une sorte de preuve serait le fait que cette possibilité était, depuis deux décennies au moins, à la portée de quelqu’un de compétence moyenne.

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